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December 12, 2023
CAMARA Natou

TANTIE BAGAGE / UNE EXPLOITATION DÉGUISÉE DES ENFANTS !

Adjaratou et sa sœur à la conquête des clients


« Les enfants vivent dans un monde où leurs droits sont de plus en plus menacés »

Le travail des enfants dans les champs de Cacao et de café n’est pas le seul calvaire empêchant les enfants de mériter leurs droits et avoir une vie meilleure. Plusieurs travaux nuisibles naissent tous les jours impliquant les mineurs. Les enfant-vendeurs de Lotus et vêtements dans les rues d’Abidjan, enfant- cireurs de chaussures dans les rues d’Abidjan, enfant-nettoyeurs de vitres sur les routes d’Abidjan, enfant- mécaniciens, enfant-menuisiers, enfant- tanties bagages, enfant- mendiants, enfant-cordonniers…

Tendons notre regard vers l’univers des tanties bagages. L’un des sujets abordés par la RTI2 dans le 19 heures 30, du 21 novembre 2023. Une recherche menée à Abobo. Ce reportage inspire sans doute la production de cet article.

Le contenu des propos recueillis.

Mariam âgée d’une dizaine d’années, est une tantie bagage dans les marchés d’Abobo, l’une des communes les plus populaires et peuplées d’Abidjan. Selon le reportage, la concernée, elle même propose aux clients ses services. Mariam gagne 1500 ou 2000 par jour. Ce qui lui permet de se procurer des vêtements et d’autres besoins mineurs. Elle travaille 8 heures par jour. Toutefois, le marché d’Abobo compte une centaine de filles qui font le métier des tanties bagages.

Écoutons maintenant Adjaratou, elle est aussi une tantie bagage comme sa collègue Mariam mais, un peu différente. Adjaratou travaille dans ce domaine depuis deux ans, elle se fait aider par sa sœur il y a 2 mois. Les deux sœurs gagnent chacune, moins de 2500 par jour. Les revenus sont moindres. Cependant, ces filles tanties bagages ambitionnent avoir beaucoup d’argent pour démarrer un commerce plus formel. Communément appelé fond de commerce. Ont- elles souhaité ces filles tanties

bagages.

Une compilation de travaux qu’effectue les enfants

Que disent les clients ?

Les propriétaires des bagages louent la bravoure de ces filles tanties bagages. Et souhaitent qu’elles continuent leurs services. Mais, est – ce bénéfique pour un pays comme la Côte d’Ivoire dont la mission est de lutter contre le travail des enfants et d’atteindre ses objectifs de l’école pour tous ?

Camara Ismael étudiant en première année de logistique se prononce à ce sujet.

»Selon moi c’est une exploitation déguisée des droits des enfants. Je m’explique, tous les enfants à le droit à la liberté d’expression , à un épanouissement et à une éducation de qualité liée à son âge. Mais, force est de constater que cela ne soit pas le cas de nos. Et c’est généralement nos parents  » Dioula  » qui poussent les enfants dans les mains inconnues de la rue, dans l’espoir que
ces derniers s’approprient un gain à la fin et cela nous fait face à des adolescents déguisés en monstres qu’on appellera enfant en conflit avec la loi ( les microbes ) ». Camara Ismael révèle un autre fait causé par l’exposition des enfants dans les rues. Celui des enfants en conflit avec la loi. Ce qui veut dire qu’un acte entraîne un autre plus dangereux que l’on ne puisse croire. Mais, vrai.

Monsieur Camara affirme ceci  »Je n’est pas été moi même victime. Mais, on voit les enfants expliquer leurs mécontentement face à ces situations

Ces enfants quand tu les croises dans les marchés, c’est avec une amertume qu’ils t’approchent pour te proposer leurs services. Notre témoin pense également que ce phénomène a des aspects positifs et négatifs comme tout autre domaine de travail enfantin.

Selon SOS Villages d’enfants, un projet qui lutte contre le travail des filles, les tanties bagage sont des jeunes filles qui travaillent en portant de lourdes charges sur les marchés. Il s’agit d’une forme de travail infantile répandue en Côte d’Ivoire. Le terme « tantie bagage » fait référence à la phrase que ces jeunes filles utilisent pour appeler les acheteurs lorsqu’elles proposent de transporter leurs marchandises.

Bien souvent, ces dernières sont issues de familles vulnérables. Et comme tous les enfants en situation de travail, elles sont exposées à des risques psychologiques, physiques et sanitaires. Elles peuvent travailler jusqu’à 13 heures par jour pour gagner l’équivalent de 2 à 5 euros. Généralement, elles ne vont pas à l’école ou abandonnent leurs études, ce qui rend leur situation encore plus vulnérable car elles peinent ensuite à accéder au marché du travail à l’âge adulte.

Un aperçu du travail des mineurs


Le travail des enfants est la participation de personnes mineures à des activités à finalité économique et s’apparentant plus ou moins fortement à l’exercice d’une profession par un adulte. Au niveau international, l’Organisation internationale du travail (OIT) le définit en comparant l’âge à la pénibilité de la tâche, du moins pour les enfants de plus de douze ans.

La situation du travail des enfants en Côte d’Ivoire

Le travail des enfants est l’un des phénomènes sociaux que les autorités politiques et administratives du pays tentent d’éradiquer. Il est difficile d’établir avec exactitude le nombre d’enfants concernés, car bien de cas restent discrets et inconnus. Toutefois, des études réalisées sur le phénomène donnent un aperçu de la situation.

Une enquête réalisée en 2002 et publiée en 2003 par le BIT,l’IITA et l’USAID a permis d’établir que dans le secteur de la cacaoculture, ce sont :

Plus de 600 000 enfants de 6 à 17 ans sont impliqués dans la production et parmi eux plus de 98% travaillaient dans les plantations familiales;
Environ 127 000 enfants exercent des tâches jugées dangereuses dans les plantations cacao(épandage d’engrais, pulvérisation, port de charges lourdes, nettoyage à la machette).
Cette enquête a également établi qu’un nombre relativement faible d’enfants parmi ceux qui étaient exploités dans le secteur étaient victimes de traite.

Une autre étude d’envergure nationale centrée sur l’analyse de la situation du travail des enfants réalisée en 2003 par le Ministère en charge des Affaires Sociales, en collaboration avec l’Unicef, établit :

Qu’il existe des enfants qui travaillent dans des unités de production de type familial;
Que même si le travail s’effectue dans le cadre familial, le placement de l’enfant hors du cercle de la famille restreinte (travail avec père et/ou la mère) l’expose quasiment aux même risques que les enfants qui travaillent dans un cadre extra familial;
Que le placement de l’enfant dans une relation de travail salarié présente plus de risques pour l’enfant;
Que le secteur de l’agriculture et celui de l’informel en milieu urbain constituent des domaines dans lesquels le travail des enfants est accentué.
La dernière étude d’envergure nationale est l’Enquête Nationale sur le travail des Enfants (ENTE) de 2005.

Cette enquête réalisée par l’Institut National de la Statistique (INS) en collaboration avec le BIT a donné les résultats suivants:

395 990 des enfants économiquement actifs exercent dans le secteur de l’agriculture, et 160 103 exercent dans le secteur des commerces;
Environ 115 694 enfants travailleurs exercent des travaux dangereux interdits aux enfants par la réglementation en vigueur en Côte d’Ivoire.
Outre ces études, l’Enquête Nationale sur le Niveau de Vie des Ménages 2008 (ENVM 2008) a établi que 1 570 103 enfants économiquement actifs exercent dans le secteur de l’agriculture et 517 520 exercent dans le secteur des services.

Cette enquête établit également que 1.202.404 enfants sont impliqués dans le travail dangereux et 3 364 sont victimes de traite. En sus, elle révèle qu’il s’agit principalement d’une traine interne, c’est-à-dire d’un transfert des enfants d’une région à une autre du pays aux fins d’exploitation économique.

Que dit le rapport 2020

Le rapport de 2020 sur le travail des enfants note une hausse significative du nombre d’enfants âgés de 5 à 11 ans astreints au travail; ils représentent désormais un peu plus de la moitié du chiffre mondial total. Le nombre d’enfants âgés de 5 à 17 ans qui effectuent des travaux dangereux – définis comme un travail susceptible de nuire à leur santé, leur sécurité ou leur développement moral – a augmenté de 6,5 millions depuis 2016 pour atteindre 79 millions.

« Les nouvelles estimations sont un signal d’alarme. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire quand une nouvelle génération d’enfants est mise en péril », a déclaré le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder. « Une protection sociale inclusive permet aux familles de maintenir leurs enfants à l’école même en cas de difficultés économiques. Il est essentiel d’accroître les investissements dans le développement rural et le travail décent dans l’agriculture. Nous sommes à un moment charnière et beaucoup dépend de notre réponse. Le moment est venu de renouveler notre engagement et notre énergie pour passer ce cap et briser le cycle de la pauvreté et du travail des enfants. »

En Afrique subsaharienne, la croissance démographique, les crises récurrentes, l’extrême pauvreté et des mesures de protection sociale inadaptées font que 16,6 millions d’enfants supplémentaires ont été astreints au travail au cours des quatre dernières années.

Même dans les régions qui ont connu des avancées depuis 2016, comme l’Asie et Pacifique et l’Amérique latine et les Caraïbes, la COVID-19 met ces progrès en péril.

Le rapport prévient qu’à l’échelle mondiale neuf millions d’enfants supplémentaires risquent d’être poussés vers le travail d’ici à la fin de 2022 en raison de la pandémie. Un modèle de simulation montre que ce chiffre pourrait atteindre 46 millions s’ils n’ont pas accès à une couverture de protection sociale indispensable.

Les chocs économiques supplémentaires et les fermetures d’école liés à la COVID-19 signifient que les enfants qui travaillaient déjà risquent de travailler davantage ou dans des conditions dégradées, tandis que beaucoup d’autres pourraient être contraints aux pires formes de travail des enfants en raison des pertes d’emplois et de revenus au sein des familles vulnérables.

« Nous perdons du terrain dans la lutte contre le travail des enfants et l’année qui vient de s’écouler n’a pas rendu ce combat plus facile », a déclaré la Directrice générale de l’UNICEF, Henrietta Fore. « Maintenant que nous sommes bien engagés dans une seconde année de confinement global, de fermetures d’école, de perturbations économiques et de réduction des budgets nationaux, les familles sont réduites à des choix déchirants. Nous exhortons les gouvernements et les banques internationales de développement à investir en priorité dans des programmes qui sortent les enfants de la vie active et les remettent à l’école, et dans des programmes de protection sociale qui peuvent aider les familles à éviter de faire ce choix en premier lieu. »

Autres conclusions importantes du rapport

Le secteur de l’agriculture représente 70 pour cent des enfants qui travaillent (112 millions), puis viennent le secteur des services, avec 20 pour cent (31,4 millions) et l’industrie avec 10 pour cent (16,5 millions).
Près de 28 pour cent des enfants âgés de 5 à 11 ans et 35 pour cent des enfants âgés de 12 à 14 ans qui travaillent ne sont pas scolarisés.
Le travail des enfants est plus répandu chez les garçons que chez les filles, quelle que soit la tranche d’âge. Si l’on prend en compte les tâches ménagères accomplies pendant au moins 21 heures par semaine, l’écart entre les sexes se réduit.
La prévalence du travail des enfants dans les zones rurales (14 pour cent) est près de trois fois supérieure à celle des zones urbaines (5 pour cent).
Les enfants astreints au travail risquent de subir des dommages physiques et mentaux. Le travail des enfants compromet leur éducation, restreint leurs droits et limite leurs perspectives d’avenir, et entraîne des cercles vicieux de pauvreté et de travail des enfants d’une génération à l’autre.

Pour inverser la tendance à la hausse du travail des enfants, l’OIT et l’Unicef préconisent

Une protection sociale convenable pour tous, y compris des allocations familiales universelles.
Une hausse des dépenses consacrées à une éducation de qualité et le retour de tous les enfants à l’école – y compris les enfants qui n’étaient pas scolarisés avant la COVID-19.
La promotion d’un travail décent pour les adultes, pour que les familles n’aient plus besoin de recourir au travail des enfants pour générer un revenu familial.
L’élimination des normes sexistes néfastes et de la discrimination qui ont une incidence sur le travail des enfants.
Des investissements dans des systèmes de protection des enfants, dans le développement rural, dans les services publics, les infrastructures et les moyens de subsistance des zones rurales.
Dans le cadre de l’Année internationale pour l’élimination du travail des enfants, le partenariat mondial Alliance 8.7, dont l’Unicef et l’OIT font partie, encourage les États Membres, les entreprises, les syndicats, la société civile et les organisations régionales et internationales à redoubler d’efforts dans la lutte mondiale contre le travail des enfants en prenant l’engagement d’agir concrètement.

Au cours d’une semaine d’action, du 10 au 17 juin, le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder, et la Directrice générale de l’Unicef, Henrietta Fore, se joindront à d’autres intervenants et à des défenseurs de la jeunesse pour un événement de haut niveau organisé dans le cadre de la Conférence internationale du Travail afin de débattre de ces nouvelles estimations mondiales et de la feuille de route à suivre.